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DJIBOUTI Ville |
Lorsqu'on descend des collines
d'Arta pour aller à Djibouti, on aperçoit la ville tout en longueur
qui paraît posée sur la mer. L'impression n'est pas fausse car
depuis sa création par Lagarde voici un peu plus d'un siècle,
la ville s'est étendue en s'allongeant aussi bien vers l'intérieur
des terres, très plates à ces endroits, qu'en empiétant
sur la mer.
L'objectif de Lagarde en transférant le chef-lieu administratif de
la Côte Française des Somalis, d'Obock
à Djibouti était double : trouver pour les bateaux un port en
eaux profondes, disposer d'une meilleure voie d'accès vers l'Ethiopie.
C'est ainsi que la ville offrait l'espace le plus approprié au commerce
maritime et terrestre (les travaux de construction du Chemin de fer débutent
dès 1897) à l'intérieur de la Colonie, de même
que le territoire tout entier prenait une valeur particulière de par
sa position à l'entrée de la Mer Rouge.
La situation de la ville et du pays constituaient à eux seuls des atouts
notables qu'ils possèdent toujours. Le développement de la ville
s'est organisé autour du plateau central où se trouvent actuellement
le Palais présidentiel, la Place Lagarde avec les banques et la Chambre
Internationale de Commerce, la Cité administrative, le Lycée,
la Poste et la Place Ménélik (devenue Place du 27 juin, depuis
l'indépendance en 1977) avec des Hôtels et l'actuel bâtiment
du District, ainsi que tout le quartier attenant qui est remarquable par ses
grandes maisons en arcades construites avec des madrépores.
Il y a en effet un style de cette partie de la ville, qui reflète à
la fois des idées coloniales de l'époque sur l'architecture
" mauresque " et l'origine yéménite et indienne des
bâtisseurs.L'extension du port et parallèlement des activités
du chemin de fer, c'est-à-dire des activités commerciales de
transport (entrepôts, stockage de pétrole, etc...) s'est opérée
au fil des années d'une part en réunissant au Plateau central
les plateaux du Serpent, du Marabout et du Héron (qui étaient
autrefois des îlots séparés), d'autre part en étendant
un faisceau de quais dans la mer (aujourd'hui, le port s'est équipé
pour recevoir les porte-conteneurs). Toute la partie extrême de la ville
est donc en partie gagnée sur la mer, et l'on continue aujourd'hui
à remblayer pour construire maisons et routes.
Pendant la période coloniale, les quartiers populaires débutaient
à partir de l'ancien marché au bois, baptisé plus tard
" Place Rimbaud " puis, après l'indépendance, "
Place Mahmoud Harbi " (du nom du député à l'Assemblée
Nationale Française et premier vice président du gouvernement
en 1957-1958). Cette grande place est le poumon de la ville : entourée
par la rue " Bas Côtés " (les " Caisses "
pour les Européens), la mosquée Hamoudi et le marché.
C'est le point d'arrivée et de départ de tous les minibus privés
qui desservent la ville entière et dont beaucoup portent des noms inscrits
à l'avant du véhicule. De très nombreux grands et petits
commerces longent la place et c'est là qu'aboutit notamment la rue
des Mouches où s'agglutinent les détaillants de tissus tans
dans les boutiques que dans la rue elle-même, grâce à des
brouettes aménagées ou tout simplement des étals à
même le sol.
Durant la colonisation, les quartiers avaient presque tous reçu des
numéros, ainsi que les rues et avenues. Si l'on part du Plateau jusqu'à
l'avenue treize, on traverse successivement les quartiers 1 et 2. Puis, entre
l'avenue 13 et l'avenue 15, les quartiers 3 et 4. Ensuite, entre l'avenue
26 et l'avenue Nasser, les quartiers 5 et 6. Entre l'avenue Nasser et la rue
du Cimetière, le quartier 7, qui jouxte la Cité Lehr (du nom
de l'architecte qui en fut le réalisateur) ou quartier du Stade. Après
la rue du Cimetière, les quartiers Gachamaleh, 7bis et Gabode (dont
le nom signifie : l'endroit stérile) ce dernier ne cessant de s'allonger
et comprenant déjà cinq subdivisions. Beaucoup de ces quartiers
avaient à l'origine, et ont encore, une coloration ethnique, chaque
groupe disposant d'espace spécifique. Mais les quartiers plus récemment
construits (Gabode, Héron
) ont une connotation plus sociale que
régionale : le type de maison définit désormais plus
des catégories sociales aisées ou non que des appartenances
à des groupes traditionnels.
Autour de ces quartiers se trouvent du côté ouest Einguéla
(le mot signifie : rencontrer) qui a occupé les anciennes salines abandonnées
au début des années soixante, et Arrhiba (qui signifie : hospitalité)
construit à l'origine pour les dockers et qui est occupé essentiellement
par des Afars et des Ethiopiens, enfin le quartier du nouveau Stade Hassan
Gouled. Du côté est Boulaos (le nom désigne des tentes
faites avec des herbes, c'est-à-dire des paillotes) avec la pêcherie
puis la zone industrielle où se trouvent quelques entreprises : concessionnaires
autos, garages, abattoir, imprimerie, sociétés diverses notamment
la Sogik (qui s'occupe de l'importation et de la distribution quotidienne
du khat). Sans compter les casernes djiboutiennes et françaises. Le
quartier d'Ambouli clôt la première
partie de la ville, il est très étendu (l'aéroport y
est situé). Il longe l'oued dont il porte le nom.
La deuxieme partie de la ville étant le quartier grandissant de BALBALA.
Comme dans toutes les villes, chaque quartier a son atmosphère propre
et ses particularités qui lui donnent sa spécificité.
Il faut se promener dans le cur de la ville, musarder devant les boutiques
avec leurs panneaux et peintures publicitaires qui ne manquent pas de saveur,
s'attarder à un petit café : y boire du thé à
la djiboutienne (avec girofle, cardamome et beaucoup de sucre) ou des jus
de fruits naturels, y manger des plats locaux (le matin des petites viandes,
des rognons ou des petits foies, le midi du mouton au for, le soir des omelettes
ou du poisson yéménite, etc.). Il faut se faufiler entre les
petits vendeurs rue des Mouches qui proposent tissus et autres denrées
dans des brouettes aménagées à cet effet, il faut sentir
les parfums (fooh, jaawi, maskati) qui font l'honneur aussi bien des vêtements
et du corps que d'une habitation tenue correctement, il faut discuter avec
les charcharis, ces femmes qui vendent des bijoux et changent de l'argent
de tous les pays avoisinants, observer les femmes qui font des vanneries en
face de Sémiramis et de Prisunic.
Un peu après midi et jusqu'au soir, on verra partout les vendeuses
de khat devant leur petite table en bois, et la nuit presque toutes les échoppes
sont éclairées par des lampes à pétrole qui font
comme des chapelets de lumière le long des rues. Le jeudi, il faut
aller assister au marché du diri : les femmes qui en ont les moyens
s'achètent en effet le voile de couleur (un nouveau modèle arrive
chaque semaine avec différents coloris possibles) qu'elles feront coudre
à leur taille ainsi que le jupon (gogara) dont les couleurs doivent
s'accorder à celle du diri. Et pour être vraiment à la
mode, c'est le diri du jeudi qui compte car les femmes reconnaissent tout
de suite s'il s'agit d'un modèle antérieur, fut-il de la semaine
précédente. La qualité des tissus varie selon les possibilités
financières.
Bien sûr, avenue Nasser ou dans un autre quartier, l'atmosphère
diffère du centre ville : beaucoup de boutiques et de petits restaurants
mais avec un côté plus " entre nous " puisque ce sont
plus les gens du quartier seulement qui fréquentent les lieux. A côté
des endroits commerciaux (marchés, diverses gares routières,
lieux de sport, etc.), il y a aussi tous les lieux sacrés représentés
par un grand nombre de mosquées de tous les styles et de toutes les
tailles depuis les grands édifices jusqu'aux simples espaces entourés
de pierres. Dans chaque quartier, on trouve aussi des espaces privés,
les mabrazes, où se réunissent par affinité chaque après
midi, les consommateurs de khat.